Transformer un garage en bloc opératoire. Parcourir 3500 kilomètres en territoire nordique. Soigner 446 animaux en 14 jours. Pour 15 finissantes du programme Techniques de santé animale du Cégep de Sherbrooke, ce qui ressemble à un défi impossible est devenu la réalité d’un stage qui redéfinit les limites de la formation vétérinaire.

En partenariat avec l’organisme Chiots Nordiques, ces étudiantes ont vécu bien plus qu’une expérience terrain : elles ont participé à une mission de santé publique et de réconciliation qui marquera leur carrière et leur vision du métier.

Un projet né d’une double vocation

Une première clinique vétérinaire mobile

L’initiative trouve ses racines dans la double implication de Dre Martine Nadeau, à la fois professeure au département de santé animale du Cégep de Sherbrooke et bénévole de longue date pour Chiots Nordiques. Sa collaboration avec Dre Daphnée Veilleux-Lemieux, directrice générale de l’organisme, a permis de créer un projet pédagogique unique : la première cohorte étudiante à participer aux cliniques vétérinaires mobiles de Chiots Nordiques.

Cette aventure représentait un défi logistique considérable : organiser le déplacement de 15 étudiantes, d’équipement médical et de matériel chirurgical à travers les territoires cri, innu et atikamekw, tout en maintenant les standards de soins vétérinaires.

Étudiante santé animale soignant chien communauté nordique

Un an de préparation pour deux semaines intenses de soins vétérinaires

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Formation technique et culturelle

Contrairement à un stage traditionnel, la préparation a débuté une année complète avant le départ. Les étudiantes ne se sont pas contentées de réviser leurs techniques médicales. Sous la supervision de l’enseignant Jean-François Létourneau, qui a vécu en milieu autochtone, et de l’enseignant Vincent Lefebvre-Auger, elles ont approfondi leur compréhension des réalités culturelles et historiques des communautés qu’elles allaient servir.

Cette préparation incluait :

  • La planification logistique pour la médecine en milieu éloigné
  • Les campagnes de financement
  • L’apprentissage des protocoles de Chiots Nordiques
  • La sensibilisation aux enjeux de santé publique en région nordique
  • L’étude des contextes socioculturels des nations crie, innue et atikamekw

3500 kilomètres, 4 communautés, 3 nations: l’itinéraire d’un stage hors norme

Les communautés visitées

Le périple a mené l’équipe à travers :

  • Pessamit (nation innue)
  • Mistissini et Oujé-Bougoumou (nation crie)
  • Wemotaci (nation atikamekw)

Chaque communauté présentait ses défis particuliers et ses besoins spécifiques, obligeant les étudiantes à adapter constamment leur approche.

Médecine vétérinaire en mode « adaptation »

« On va devoir être efficaces avec des moyens qui ne sont pas toujours parfaits », avait prévenu Dre Nadeau. Les étudiantes ont découvert la réalité de cette mise en garde :

  • Salles d’opération improvisées dans des gymnases d’école, des casernes, des garages.
  • Stérilisation du matériel dans des conditions variables
  • Gestion du matériel et des médicaments lors des déplacements

Malgré ces défis, aucun compromis n’a été fait sur la qualité des soins. Les 446 interventions réalisées respectaient les mêmes standards que dans une clinique traditionnelle.

Construire des ponts entre les cultures, une intervention à la fois

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Un bilan statistique impressionnant

L’objectif de départ semblait raisonnable: soigner environ 30 animaux par communauté. Mais dès Pessamit, la réalité a explosé toutes les prévisions.

  • Pessamit : 123 animaux examinés, 70 stérilisés
  • Mistissini : 125 animaux examinés et soignés
  • Oujé-Bougoumou : près de 70 animaux examinés et stérilisés
  • Wemotaci : 128 interventions pour clôturer la mission

Total : 446 interventions – presque 4 fois l’objectif initial.

Cette explosion des besoins révèle une réalité méconnue : dans toutes ces communautés, le chien occupe une grande place, mais il s’y multiplie aussi très rapidement. «Souvent, ils n’ont pas de ressource pour la gestion de ces animaux-là autre que de les envoyer dans le sud ou les tuer», explique Dre Nadeau.

Derrière chaque intervention se cache donc une réalité plus complexe que les simples soins vétérinaires :

  • Stérilisations qui brisent le cycle de surpopulation
  • Vaccinations contre la rage du renard arctique qui protègent toute la communauté
  • Traitements antiparasitaires qui améliorent la santé publique

Dans ces communautés où les ressources vétérinaires sont rares voire inexistantes, chaque animal soigné représente une amélioration tangible de la santé publique et du bien-être communautaire. C’est pourquoi les soins de proximité offerts par cette clinique mobile sont si cruciaux.

Conclusion : 446 preuves que l’éducation peut changer le monde

Tshinashkumitin. Miigwetch. Mikwetc. Ces mots de remerciement en innu, cri et atikamekw résonnent encore pour nos 15 étudiantes. Ils rappellent que derrière chaque diplôme, chaque stage, chaque apprentissage, il y a des rencontres humaines qui transforment.

Le projet avec Chiots Nordiques restera gravé comme un moment charnière dans l’histoire du programme de Techniques de santé animale du Cégep de Sherbrooke. Il prouve qu’avec de la préparation, du respect et beaucoup de cœur, nos étudiantes peuvent non seulement soigner des animaux, mais aussi contribuer à bâtir des ponts entre les communautés.

446 interventions. 15 futures techniciennes transformées. 4 communautés servies. 1 vision commune : celle d’une médecine vétérinaire inclusive, respectueuse et profondément humaine.

Un message aux futur·es étudiant·es : osez sortir de votre zone de confort

Ce stage prouve qu’au Cégep de Sherbrooke, la formation dépasse les murs de l’institution. Les étudiant·es qui choisissent nos programmes ne signent pas seulement pour une formation technique : ils et elles s’engagent dans un parcours qui peut les mener aux quatre coins du Québec, au service de communautés qui ont besoin de leur expertise.

Pour ceux et celles qui hésitent encore sur leur choix de programme ou d’établissement, ce projet envoie un message clair : ici, on forme plus que des techniciens. On forme des professionnels complets, prêts à relever les défis les plus exigeants avec compétence, créativité et humanité.